Créée en 2012, la start-up industrielle Cyclamen s’est spécialisée dans le traitement des déchets métalliques présents dans les cendres d’incinérateurs ménagers. En forte croissance, elle termine une extension de son usine en Moselle et s’intéresse à la récupération de l’aluminium ultra-pur pour des applications à haute-valeur ajoutée.
multiples étapes de tri sont nécessaires pour récupérer l’aluminium fondu qui reste dans les fours des incinérateurs ménagers.
Dans le meilleur des mondes, l’aluminium serait toujours soigneusement collecté en vue d’être recyclé. Tout le monde trierait parfaitement ses déchets et dans chaque usine, les chutes de production seraient séparées pour les réutiliser, par exemple en boucle fermée. On s’en doute, la réalité est moins rose. Les pertes sont nombreuses, et rares sont les randonneurs qui gardent leur canette avec eux pour les déposer dans la bonne poubelle. Selon Citeo, l’éco-organisme en charge des déchets ménagers, seuls 37% des emballages en aluminium sont correctement recyclés en France. Alors que les grands fabricants d’aluminium et de boîtes pour les boissons poussent depuis des années pour une consigne sur les canettes pour améliorer ce piètre score, la start-up montpelliéraine Cyclamen prend le problème par le bas. Elle propose de récupérer l’aluminium dans les cendres produites par les incinérateurs ménagers et d’autres déchets mal triés.
Ne pas perdre les métaux dans les machefers
«Il y a plein de petits bouts d’aluminium dans les poubelles grises. Les machefers [le nom technique des résidus solides d’incinérateurs] peuvent contenir 1 à 2% de métaux non ferreux. Nous avons donc cherché une solution pour ne pas les perdre définitivement», retrace Arnaud Chaulet, cofondateur et PDG de la petite entreprise. Créée fin 2012, elle avait initialement l’objectif de recycler des terres rares, avant de se réorienter vers le négoce puis le traitement de déchets métalliques deux ans après.
Vider les cendres des métaux qu’elles contiennent – principalement de l’aluminium, mais aussi de l’inox et du cuivre, associé à un peu de métaux précieux – est d’autant plus intéressant que cela permet de mieux réutiliser le reste des résidus solides. «C’est gagnant-gagnant : nous vendons les métaux que nous sortons, et les machefers peuvent être mieux commercialisés, car avec le temps, l’aluminium s’oxyde et gonfle au contact de l’eau, ce qui empêche d’utiliser les machefers non traités en tant que sous-couche de technique routière, par exemple», explique l’entrepreneur.
Cyclamen, qui finance sa R&D sur fonds propres, compte aujourd’hui trois installations mobiles, transportées en conteneurs vers les incinérateurs dont Cyclamen traite les centres. «Nous utilisons une technologie d’extraction des métaux non ferreux classique : le courant de Foucault. C’est assez simple, mais l’exploitation comporte de nombreuses subtilités, selon la granulométrie, l’extraction ou l’humidité des machefers», détaille Arnaud Chaulet, qui précise que «le gisement est très important», notamment en France et en Allemagne.
Trier les grains un par un
Pour aller plus loin dans le tri, Cyclamen a installé en 2019, une usine à Éguelshardt, en Moselle. L’entreprise, en forte croissance, a terminé cet été la construction d’un bâtiment pour étendre le site, et reçoit ses dernières machines. L’extension, qui aura coûté plus de 7 millions d’euros, doit permettre d’augmenter de 40000 tonnes la capacité de traitement de matières de l’usine, pour de l’ordre de 20000 tonnes de métal récupérées à la fin. En 2024, le site avait traité 18000 tonnes de métaux non-ferreux. Cinq emplois seront créés, portant les effectifs de Cyclamen à 60.
«Notre usine traite surtout des mélanges de métaux non ferreux issus de l’incinération, que l’on récupère avec nos usines mobiles ou que l’on achète à des grands groupes de traitement des déchets, pour les trier et sortir différentes qualités d’aluminium, des alliages cuivreux ou d’acier inoxydable et quelques autres sous-produits», résume Arnaud Chaulet.
L’objectif est de maximiser la valeur, en vendant chaque flux sortant au meilleur prix. Mais le machefer, qui prend l’apparence d’un amas de fragments grisâtres de différentes tailles (de grains à peine plus gros que du sable à des morceaux de plus de 10 centimètres) n’est pas simple à traiter.
Croissance rapide
«C’est une matière compliquée : quand vous jetez l’opercule d’un yaourt dans la poubelle, l’aluminium va brûler dans un incinérateur et former une petite boule, qui en refroidissement peut fixer des impuretés, par exemple un petit bout de verre», décrit Arnaud Chaulet en résumant son procédé maison. Il passe par une étape de décompactage, avant d’utiliser des méthodes de tri granulométrique puis de séparation à sec, par exemple en utilisant des courants d’air pour distinguer les alliages contenant du cuivre de l’aluminium, plus léger.
En 2024, Cyclamen a lancé un projet de R&D sur deux ans, soutenu à hauteur de 800000 euros par l’Ademe. L’objectif ? Tester différentes technologies à base de rayons X (XRF, XRT, Libs) pour identifier les différents alliages et les séparer. «Il s’agit de voir l’intérieur des matières, pour trier finement et permettre de réutiliser l’aluminium pour des applications de haute valeur», décrypte le dirigeant de Cyclamen, confiant. Par exemple en distinguant l’aluminium issu d’une canette de celui utilisé dans un objet mobilier. «Ce qui change la donne pour nous, ce n’est pas l’intelligence artificielle, mais l’augmentation de la puissance de calcul informatique : cela permet de faire du traitement de l’image rayon X en temps réel, pour orienter chaque pièce d’aluminium au bon endroit avec un jet d’air», continue-t-il, sans donner de détails sur les performances visées ou ses partenaires technologiques. Une manière pour la pépite de continuer sa croissance monstre. En 2024, Cyclamen a réalisé 23 millions d’euros de chiffre d’affaires, contre un peu moins de 19 millions l’année précédente et seulement 3,4 millions en 2020.
Photo by Karine Faby https://www.karinefaby.fr/